Académie de La Dombes

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Quelles prespectives pour le patrimoine naturel dombiste ?

Les quinze années écoulées laissent quelque amertume aux naturalistes qui dressent un bilan qualifiable sans exagération de globalement négatif. En effet, bien que les données déjà acquises à la fin des années 1980 fussent alors peu douteuses en ce qui concerne les phénomènes et les causes de la régression subie par le patrimoine naturel dombiste, l’analyse sectorielle puis la synthèse qui peuvent être aujourd’hui établies sont sans appel : même si l’ornithologue est peut-être moins perdant que le pisciculteur ou le chasseur - puisque le catalogue des oiseaux de la Dombes dénombre autant d’espèces que jadis, avec des effectifs - parfois plus étoffés pour certaines d’entre elles - l’avifaune de notre région a connu une évolution rapide et marquée ayant conduit à un déséquilibre systématique et démographique inquiétant, lui- même révélateur d’une distorsion plus générale et plus profonde. Considérés les uns après les autres, les divers bilans étayent le propos.

Bilan ornithologiste et cynégétique : sur les quelque 150 espèces que connaît la Dombes en période de nidification, pas moins de 25 sont en baisse et 13 seulement en progrès depuis 1990 ; une telle proportion est l’une des plus importantes relevées en Europe dans le siècle écoulé. Même considéré par rapport à la journée de chasse, l’exercice cynégétique a perdu de sa valeur ; la richesse et la diversité des années 1960-1970 ne sont plus qu’un souvenir tant étaient alors variés les tableaux de canards vraiment sauvages, ou passionnante l’observation des bécassines aux passages d’automne et de printemps.

Bilan écologique : cette qualité de la faune avait alors son corollaire dans le milieu ambiant, lorsque les céréales de printemps n’avaient pas encore laissé la place à un maïs triomphant, et que les étangs, pourvus de végétation ripatiale et prairiale, s’enchâssaient dans un bocage lui même divers et respecté. D’un point de vue urbanistique, la pression humaine s’est largement amplifiée : des pans entiers de la Dombes sont devenus des cités dortoirs soumises à des mouvements pendulaires, des lotissements et des zones artisanales jouxtent désormais localement certains étangs. La circulation automobile se densifie progressivement, même sur les routes secondaires.

Bilan piscicole, agricole et économique : bon an mal an, mais de manière localement peu prévisible, la production piscicole se maintient mais le contexte économique ne favorise pas le poisson d’eau douce, malgré de louables efforts de promotion ; des problèmes de gestion se posent en outre avec des espèces de poissons parasites ou d’oiseaux prédateurs, sans parler d’épisodes viraux. En ce qui concerne l’agriculture, où les subventions européennes et nationales ne font que compenser des charges en hausse et des recettes soumises aux marchés mondiaux, non seulement la banalisation et la simplification sont opposées à la biodiversité mais, en cas de crises, elles peuvent se retourner contre les agriculteurs eux-mêmes. Un retour à la modestie via la qualité et la diversification semble donc nécessaire, en espérant que certains mirages intensifs, comme les productions de biomasse, ne viennent pas laisser perdurer les illusions quantitatives.

Bilan sanitaire et climatique : les étangs de la Dombes sont naturellement eutrophes, c’est à dire "bien nourris" ; mais l’eutrophisation est proche de la dystrophisation, c’est à dire du déséquilibre nutritionnel, comme la bonne santé l’est de la mauvaise graisse. Et ceci d’autant plus que certains paramètres naturels ou difficilement maîtrisables ne vont pas dans le bon sens. Apparemment plus marqué qu’à Lyon ou dans les Alpes, le réchauffement climatique, auquel nulle région n’échappe désormais, s’exerce en Dombes en été, saison la plus défavorable pour toutes les productions locales, poissons (déficit hydrique agravé), céréales (de même, surtout pour le maïs) ou oiseaux (mortalité estivale des poussins aquatiques, pour cause de botulisme). Si l’hiver échappe, pour l’instant, à cette dérive climatique, l’épisode de grippe aviaire de février 2006 devrait rendre les producteurs avicoles plus prudents et moins intensifs, car le même département ne peut raisonnablement jouer sur deux tableaux à la fois : celui de la production de masse en Dombes et celui de la qualité en Bresse.

Même de manière un peu simpliste, il semble donc désormais difficile d’échapper à l’alternative suivante : ou bien, en vertu de la vitesse acquise, la Dombes socio-économique veut voir son avenir dans l’extrapolation des tendances lourdes du tiers de siècle écoulé, auquel cas on peut faire le deuil définitif de son patrimoine naturel ; ou bien elle tente une reconversion en s’ouvrant à de nouvelles méthodes et en faisant appel à de nouveaux partenaires.

Dans la première hypothèse, la Dombes irait vers un 2015 "riche" de 70 000 habitants, où les agriculteurs ne compteraient plus que pour 4 % de la population ; au niveau de la surface agricole utile, les surfaces toujours en herbe auraient définitivement cédé la place aux céréales et autres cultures intensives, et les jachères auraient fait de même en faveur de cultures de biomasse à destination du monde industriel et urbain. Sur quels atouts pourrait alors compter un tourisme dont on ne peut pourtant aujourd’hui nier l’apport à l’économie locale, même s’il n’est pas inutile de connaître les bonnes adresses... ?

Dans le second cas, une porte reste entrebaîllée, qui réclamerait une modification profonde des mentalités : le marché - pris au sens large - ayant profondément changé en une génération, pourquoi les esprits ne devraient-ils pas faire de même ? Pourquoi serait-il aujourd’hui plus gratifiant de produire des matières premières souvent excédentaires et subventionnées, nocives à l’environnement, que du "loisir" pour lequel la demande existe et sur lequel toute une partie de la société fonde désormais sa réalité économique ? Au-delà de formules creuses et agaçantes comme "l’agriculteur est le gardien de la nature", ne devrait-on pas progressivement admettre que de nouvelles valeurs doivent être reconnues, admises, intégrées et rétribuées ? Car la fonction agricole n’est désormais plus chez nous seulement de nourrir la population humaine ; elle est devenue polymorphe, la demande sociale s’étant modifiée au fur et à mesure qu’apparaissaient ce que l’on qualifie encore de besoins secondaires, bien qu’ils aient cessé d’être superflus. Le deuxième pilier de la P.A.C. offre, en principe, des possibilités de reconversion puisque les aides aux activités agricoles sont désormais découplées du type de production. Plus spécifiquement pour la Dombes, une démarche positive innovante a été engagée au niveau national pour une reconnaissance des zones humides dans le Programme de Développement Rural 2007-2013 en cours de discussion ; sous une forme ou sous une autre, des rétributions agro-environnementales devront être accordées, auxquelles une lecture plus généreuse de Natura 2000 pourrait contribuer.

Oui, l’avenir de la Dombes passe par une nécessaire entente entre tous les partenaires actuels, depuis les "éleveurs de tritons" jusqu’aux "exploitants/exploités" de la profession agricole, en passant par les "propriétaires lyonnais", les néo-ruraux ou autres catégories sociétales. Chacun doit se convaincre de la nécessité de mutations et de concessions pour renouer avec plus de rationalité ; là aussi, la rupture est nécessaire ! Des solutions innovantes sont à exploiter, ou à inventer : désintensification par diminution des intrants (chimiques et mécaniques) afin de réduire les coûts de production pour augmenter ainsi les revenus nets et préserver l’environnement, diversification des productions vers la qualité et la valeur ajoutée, développement de circuits courts de distribution… Des cultivateurs et d’autres acteurs dombistes s’y sont déjà engagés, qui doivent être encouragés et aidés pour garantir et amplifier la souhaitable mutation. Encore faudrait-il que les responsables et les pouvoirs publics (élus, corps consulaires, administration) aient l’ouverture d’esprit nécessaire pour l’analyse objective des phénomènes et des mécanismes en cause, puis la volonté et le courage de mettre en place les expériences et d’appliquer les solutions. En fin de compte, les évasements décideront, car l’alternative est claire : s’adapter ou disparaître.

Et si le sursaut passait par la mise en place d’un Parc Naturel Régional (PNR) en Dombes ? En 2010, le Conseil régional de l’Ain puis la Région Rhône-Alpes ont lancé, tout à tour, une consultation en direction de l’ensemble des acteurs du terrain. En ce début de l’année 2013, cet échange d’idées fait ressortir qu’une majorité de ces acteurs juge opportun et faisable ce projet fédérateur. La décision appartient dorénavant à la Région qui s’est engagée à entamer les procédure de réalisation.

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